Dark waters (2020) * * * *

Préambule : j’ai vu Dark waters au cinéma 2 jours avant le confinement à cause du Covid-19 début mars, ce qui fait que Dark waters n’a pas eu une grande exposition au cinéma en Europe. Devant la qualité du film et le sujet traité, j’ai décidé de mettre la chronique en ligne une fois que Dark waters serait disponible en VOD, en streaming ou via DVD/Bluray, afin que toutes les personnes intéressées par le sujet puissent le voir.

 

Robert Billot et Mark Ruffalo

Peut-être en avez-vous entendu parler dans les médias, mais Dark waters raconte l’incroyable histoire vraie du combat de l’avocat Robert Bilott. Il a lutté pendant une vingtaine d’années afin de mettre en lumière le scandale de l’entreprise américaine DuPont.

 

Au nom du profit, DuPont a sciemment dissimulé pendant des décennies la dangerosité de certains composants dans la composition du Téflon. Ils ont sévèrement intoxiqué et empoisonné des milliers de personnes vivant à proximité des usines, mais également (de manière moins forte) des millions d’utilisateurs du Téflon ! Glaçant, terrifiant et révoltant, d’autant que le problème n’est pas encore complètement réglé, mais j’y reviendrais plus tard.

 

Attention, le film s’appelle Dark waters, il ne faut pas le confondre avec Dark water, un très bon film d’horreur japonais de 2002, ou son remake américain de 2005. Mais place au pitch.

 

En 1999, Wilbur Tennant (Bill Camp), un fermier de Parkersburg (Virginie-Occidentale) se rend à Cincinnati pour voir l’avocat Robert Bilott (Mark Ruffalo).

 

Wilbur connaît la grand-mère de Robert et il lui demande de l’aider, car son troupeau de vaches est décimé et les animaux restants sont gravement malades.

 

La « Washington Works », la scandaleuse usine de DuPont

Sa ferme est située à coté du site Dry Run, un dépôt de déchets qui appartient à l’entreprise de produits chimiques DuPont. Il pense qu’ils sont responsables de ce qui arrive à son bétail, la santé de ses vaches s’étant gravement détériorée depuis leur installation.

 

D’abord réticent, Robert profite d’une visite chez sa grand-mère et découvre qu’enfant, il adorait aller en été sur le terrain occupé par DuPont. Intrigué, il va voir Monsieur Tennant et, effectivement, beaucoup de choses sont anormales…

 

Il a perdu 190 vaches. Les bêtes développent de très gros cancers, ont les gencives noircies ou souffrent de malformations. Quant à celles qui ont survécu, elles deviennent folles et très agressives. Il constate également que les pierres de la rivière où s’abreuvent les vaches sont blanches, preuve que l’eau est polluée par des produits chimiques.

 

Pas besoin d’être

devin pour se rendre compte

que ce qui se passe Mr.

Tennant n’est pas normal…

 

Et chez DuPont, on se vante d’améliorer la vie des gens… Dégueulasse!!!

Malgré des preuves édifiantes, personne ne bouge ou ne se range de son coté. Il faut dire que toute la ville de Parkersburg est en grande partie financée par DuPont et que les hommes politiques, les scientifiques ou les vétérinaires ont reçu une « généreuse donation » de DuPont pour fermer les yeux sur ce qui arrive à Monsieur Tennant.

 

Robert Billot accepte de le représenter et, après une demande, la justice lui donne l’accès à l’intégralité des documents de DuPont. La tâche est immense, mais Robert s’accroche et, après plusieurs mois de recherches, il découvre que l’entreprise utilise un produit chimique, le PFOA (APFO en français).

 

 

 

 

 

 

 

 

Il découvre que DuPont mène en secret depuis plus de 40 ans des recherches qui démontrent que le PFOA est une belle saloperie pour la santé. A hautes doses, il augmente notamment les risques d’infertilité, les maladies congénitales, les cancers, attaque le système immunitaire et le foie !!! Et on garde les séquelles à vie !!!

 

Beaucoup d’habitants de Parkersburg ont eu des séquelles irréversibles!

Malgré cela, pour ne pas réduire leur profit, DuPont cache les résultats et déverse en toute connaissance de cause des milliers de tonnes de PFOA dans la rivière Ohio. Robert se rend compte que ce n’est pas seulement Monieur Tennant, mais toute la population de Parkersburg qui est concernée et empoisonnée depuis des décennies !!!

 

En s’adressant à un chimiste réputé, Robert découvre, horrifié, que le PFOA (également appellé C8 ou acide perfluorooctanique) est utilisé dans les poêles en Téflon !!! Ce qui signifie que DuPont a empoisonné des millions de personnes avec leurs poêles en Téflon pendant des décennies, en masquant leur dangerosité !

 

C’est là que Robert Bilott va lancer un recours juridique contre DuPont, qui rendra l’affaire publique.

 

S’entamera un long combat de près de 2 décennies pour reconnaître l’empoisonnement volontaire de l’entreprise.

 

Je vous laisse découvrir la suite du film (le résumé est inhabituellement long, je l’avoue), tout en sachant qu’il y a de fortes chances que vous soyez révolté, terrifié et outré en regardant ce film. Et le pire, c’est que ce problème n’est toujours pas réglé.

 

Bilott mènera un travail acharné pour prouver la responsabilité de DuPont

Par exemple, DuPont avait trouvé une manière moins nocive pour produire des poêles au Téflon, mais a refusé de l’utiliser car cela aurait réduit leurs bénéfices !!! On a forcé des femmes enceintes à travailler au contact du PFOA, provoquant cancers et malformations.

 

Et on fera trainer volontairement le procès pendant des années, pour que des personnes empoisonnées par leur faute s’épuisent, tombent malades et décèdent.

 

Selon cette vieille pub, fumer rallonge votre vie de 10 ans!!!

C’est infect, dégueulasse et glaçant, d’autant plus que c’est absolument vrai ! Pour en finir avec le Téflon,  comme par hasard, depuis le jugement, les poêles DuPont fabriquées aux USA sont sans danger pour la santé. Mais en Europe, on pourra fabriquer et vendre des poêles au Téflon avec du PFOA jusqu’en juillet 2020 et elles ne seront interdites en Suisse que le 1er juin 2021 !

 

Vous trouvez cela scandaleux ? Que dire alors du glyphosate (Roundup), cancérigène mais qui est toujours commercialisé ? Ou alors, le bisphénol A, que l’on retrouvait dans les biberons alors qu’on savait depuis des années que c’était nocif ? Sans parler du tabac, dont on a caché la vérité pendant plus de 50 ans…

 

Et n’oublions pas DuPont qui, avant le Téflon, avaient déjà introduit le plomb dans l’essence (l’isomération existait déjà, mais DuPont vendaient du plomb). Je m’arrêterais là, la liste est très longue et cela va m’énerver.

 

J’ai pris beaucoup de temps pour parler du sujet, mais très peu du film. Le projet a été porté par Mark Ruffalo, qui incarne Robert Bilott dans le film. Lorsqu’il l’a proposé à Todd Haynes, un réalisateur de films indépendants, il a tout de suite été emballé. Ils ont tenu à ce que le film soit le plus réaliste et authentique possible. Ainsi, le film à été tourné en partie à Parkensburg et c’est bien l’usine « Washington Works » de DuPont et la ferme de Monsieur Tennant que l’on voit dans le film ! Tout comme ils ont tourné dans le véritable cabinet d’avocats Taft (où travaille Robert Bilott) à Cincinnati.

 

Pour le réalisme, l’usine, la

ferme, le bureau d’avocats

sont les vrais, et une partie à été

filmée à Parkensburg

 

De plus, plusieurs habitants de Parkensburg qui ont été empoisonnés ont un rôle dans le film. Le plus impressionnant étant probablement Bucky (la rumeur veut que Mark Ruffalo n’étai pas au courant de sa présence sur le tournage, ce qui expliquerait sa réaction qui le laisse presque bouche bée).

 

Pour la réalisation, il y a un parti pris très intéressant, c’est que les extérieurs ont été tournés en lumière naturelle. Ainsi, la ville de Parkensburg a un aspect sinistre, glauque, terne et grisâtre, voir désaturé. Au contraire des intérieurs, qui sont souvent filmés dans des lumières chaudes (principalement jaune).

 

Souvenirs d’une période révolue…

Un gros travail à également été fait pour recréer l’époque de la fin des années 90 début 2000. Pas de smartphones, de youtube ou d’écrans plats à l’époque, les nouvelles technologies en étaient à leur balbutiements, les portables avaient des sonneries horribles et captaient mal, internet était lent et moche, etc…

 

Quant aux acteurs, rien à redire, c’est du très bon. On sent que Mark Ruffalo s’est investi dans ce rôle et il interprète très bien Robert Bilott. Un avocat discret et peu démonstratif, qui va tout tenter pour démontrer la culpabilité de DuPont, en supportant l’hostilité de l’entreprise, des habitants de Parkersburg (DuPont sont considéré commes des « sauveurs » par la population), mettant de coté sa carrière et sa famille.

 

Il aura la chance de pouvoir compter sur son supérieur, Tom Terp, interprété par Tim Robbins, rejoint plus tard dans le récit par Harry Deitzler, interprété par Bill Pullman. 2 acteurs que l’on voit rarement dernièrement, qui nous livrent une prestation de haut vol.

 

Il ne faudrait pas oublier Anne Hathaway dans le rôle de Sarah Bilott, la femme de Robert. Un rôle assez inhabituel pour elle, une femme tout en retenue, fervente catholique, qui essaie tant bien que mal soutenir son mari, pratiquement absent, mais qui comprend la nécessité d’une telle lutte.

 

Dark Waters est enfin dispo en VOD, streaming et DVD/Bluray

Certes, Dark Waters a certains défauts. On peut reprocher au film une certaine lenteur, voir austérité, même si je soupçonne que cela était voulu pour que l’on ressente le désarroi et la lenteur des procédures. Ensuite, si la trame générale ressemble à l’excellent Erin Brockovich (également une histoire vraie basé sur la pollution d’eau potable), les personnages du film n’ont pas la flamboyance de Julia Roberts. Là aussi, probablement dans un souci de réalisme, Robert Bilott n’étant pas une personne exubérante.

 

Pour un film indépendant, il a bénéficié d’une carrière honorable lors de sa sortie aux Etats-Unis, mais a eu la malchance de sortir en Europe quelques jours avant l’éclatement du covid-19 et du confinement imposé que nous vivons au moment ou j’écris ses lignes. (comme je l’ai dit en préambule, le film est désormais disponible en VOD, streaming et DVD/Bluray).

 

Au final, Dark Waters est un très bon film dans la veine d’Erin Brockovich qui, à cause de la pandémie du coronavirus, qui est passé plus ou moins inaperçu. Malgré une certaine austérité, c’est un film que je vous conseille de voir, avec une enquête captivante, révoltante et glaçante et d’autant plus terrifiante que c’est une histoire vraie. Robert Bilott, MERCI !!!

 

Hidalgo

 

Extraits vidéo :

 

Bande annonce fr

Extrait: reportage de 2 mins sur Dark waters sur Euronews

 

Dark waters

 

Sortie:               2019 (USA), 2020 (reste du monde)

Durée:               126 minutes

Genre:               drame / histoire vraie

 

Pays:                 USA

 

Réalisation :      Todd Haynes

Production :       Pamela Koffler, Mark Ruffalo, Jeff Skoll et Christine Vachon

Distribution :      Focus Features (USA), Le Pacte (France)

Scénario :           Matthew Carnahan et Mario Correa, d’après l’article The Lawyer Who Became DuPont’s Worst Nightmare de Nathaniel Rich

Musique :          Marcelo Zarvos

 

Acteurs principaux:     Mark Ruffalo (Robert Bilott), Anne Hathaway (Sarah Bilott), Tim Robbins (Tom Terp), Bill Pullman (Harry Deitzler), Bill Camp (Wilbur Tennant)

 

Budget :             non précisé (estimé entre 8 et 10 millions de $)

Recettes :          21’902’146 $

 

Nominations au Satellite Awards 2020 :

– Meilleur acteur dans un film dramatique

– Meilleur scénario adapté

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